Expliquant les récents évènements sismiques survenus dans plusieurs villes gabonaises, en un intervalle temporel d’une semaine, Christian Bernard Makaya, Ingénieur en Géologie Appliquée rassure sur le caractère singulier des récents tremblements de terre. Pour ce dernier, le Gabon jouit d’une position stratégique, car situé sur le craton du Congo qui est une zone stable depuis des millions d’années. Mais malgré cette position stratégique, des études plus poussées sont nécessaires pour mieux mesurer cette activité.
Bonjour Monsieur. Le Gabon a récemment été frappé, à intervalles différents, par deux tremblements de terre. Non violents, mais qui inquiètent les populations. Comment expliquer de tels événements sismiques dans un pays comme le nôtre ?
Les tremblements de terre au Gabon sont aussi rares qu’extraordinaires. Des faits historiques racontent qu’il y en aurait eu par le passé, dans les années 40. Mais en théorie, un tremblement de terre dans un pays comme le nôtre ne s’explique pas. En effet, le Gabon jouit d’une position stratégique car situé sur le craton du Congo qui est une zone stable depuis des millions d’années. Au stade où nous en sommes, nous ne pouvons que formuler des hypothèses.
Quelles sont ces hypothèses ?
Christian Bernard Makaya : En l’absence des véritables études nous ne pouvons-nous appuyer que sur des hypothèses. Deux hypothèses permettent en effet de comprendre ce phénomène observé récemment. D’une part, ces séismes résulteraient de la conséquence des mouvements de fractures de la corne de l’Afrique à l’Est. Ce qui aurait une incidence sur la zone faillée où s’est produit le séisme. D’autres parts, les cellules de convection à l’intérieur du manteau exercent en permanence une pression sur la croûte terrestre. Il se pourrait donc que cette énergie ait été suffisante pour produire un séisme du fait des fractures préexistantes.
Lambaréné, Libreville, Mandji, Mouila, Mbigou et Koumameyong, selon certaines sources, sont autant des villes qui ont été impactées par les secousses. Celles-ci surviennent un an après les secousses ressenties à Libreville, à la suite de l’activité sismique qui s’était produit à Sao-Tomé et Principe en décembre 2019. Sommes-nous dans la zone rouge de ces phénomènes ?
Christian Bernard Makaya : Les séismes se produisent généralement à la limite des plaques tectoniques. La limite de plaque la plus proche de notre pays est la ride médio-océanique, située au large de l’océan Atlantique. La réponse est donc non. De plus, les ondes sismiques se déplacent de façon concentrique du foyer vers le reste de la planète. C’est d’ailleurs ce qui a rendu possible l’enregistrement et la localisation des séismes par triangulation via des récepteurs (géophones) situés à différents endroits sur la terre.
Expliquant la dernière activité sismique, le ministre des Eaux et Forêts, Prof. Lee White a mentionné une rencontre tectonique entre les continents Africain et Américain au niveau de l’océan Atlantique. Pour ce dernier, il n’y a pas matière à avoir peur. Qu’en pensez-vous ?
Le Pr. Lee White pour qui j’ai énormément de respect n’est pas habileté à s’exprimer sur des phénomènes géologiques car n’étant pas un spécialiste du domaine. Si le ministre a dit une telle chose, alors il s’est fourvoyé. Les plaques Afrique et Amérique sont divergentes et c’est cette divergence qui est à l’origine de l’océan Atlantique. Si l’origine de ce séisme provenait du point de séparation de ces plaques, l’épicentre du séisme ne serait pas localisé au centre du pays et l’impact serait plus important. Par contre, il convient de dire qu’il n’y a pas matière à avoir peur. Du fait du contexte géologique de notre pays.
Est-il possible de revivre un tel événement géologique dans les années à venir ? Quelle pourrait être la gravité, quand on sait que les évènements vont crescendo ?
Rien n’est impossible. Sans études préalables il est difficile de se projeter. Compte tenu des nombreuses failles qui tapissent notre sol, celles-ci peuvent s’activer par le jeu de la tectonique résultant des mouvements lointains. L’image du verre posé sur le rebord de la table, me semble assez explicative. Aussi faible soient-elles, si on vient à donner des coups de façon régulière sur la table, les vibrations produites feront en sorte que tôt ou tard, le verre finisse par tomber et par la suite se briser. Si de tels événements venaient à se reproduire, la gravité des conséquences pourrait être faible ou forte selon la fréquence de répétition. Toutefois, je pense, au risque de me tromper, que du fait de la présence des massifs nord Gabon et du Chaillu mais également à la densité de la population, que les zones impactées par les précédents séismes ne seront que très faiblement impactées. Mais je le redis sans étude, tout ceci n’est que des théories ou hypothèses qu’il faut soumettre à l’épreuve de l’expérimentation. La
Parlant des études, que dire des analyses fournies par l’AGEOS? Sont-elles fiables ou méritent-elles une confrontation ?
L’AGEOS est une agence spécialisée dans l’observation spatiale. Son domaine d’activité est principalement la Télédétection et non pas la Sismique. Les ondes transmises par un séisme sont captées au sol via des géophones. Celles-ci sont ensuite enregistrées puis analysées. À moins que l’AGEOS dispose d’une unité dévouée à l’étude des phénomènes sismiques. Il va de soi que ces informations qui tendent à expliquer l’origine des séismes doivent nécessairement être confrontées à la réalité du terrain et ne surtout pas être prises comme parole d’évangile. Pour ce qui est du reste, il s’agit d’un extrait de cours de Sismique qui ne souffre d’aucune contestation.
La Lettre Verte : Si on vous suit, cela signifie que d’autres études sont nécessaires pour confirmer ou infirmer l’éventualité d’un regain de ces événements sismiques ?
La Lettre Verte
