Déjà abandonnée par le Gouvernement avec la création, il y a quelques années, de Trans’Urb, la Société gabonaise de Transport (Sogatra), la matriarche dans le domaine qui vient de trouver son créneau en matière de transport, doit en plus subir de plein fouet la concurrence de Trans’Urb qui vient d’annoncer son arrivée dans le segment interurbain. Une décision qui pourrait définitivement précipiter la mort de la Sogatra.
En 2019, il faut le dire, ça a été une grande erreur de la part du Gouvernement de créer Trans’Urb, la nouvelle société de transport, alors que la logique commandait simplement de faire un diagnostic du fonctionnement de la Sogatra, de trouver des solutions structurelles aux problèmes pour relever la boîte ou d’injecter les fonds consentis à la création de Trans’Urb pour doper le fonctionnement de la Sogatra.
Conséquence, cette décision s’est accompagnée de ce que les marketeurs appellent le cannibalisme. Trans’Urb, nouvelle venue, a très vite eu raison de la Sogatra, d’autant plus que de nombreux facteurs facilitaient cette réalité. Durant des années, entre des difficultés d’ordre financier, de fonctionnement et liées aux moyens, notamment roulants, la Sogatra, la plus ancienne des sociétés de transport public au Gabon, a dû naviguer à vue, faisant l’effort d’exister malgré la concurrence d’une cadette aux moyens plus impressionnants.
Sur les 300 bus qu’elle semblait posséder il y a des années, la société n’en compte qu’une vingtaine aujourd’hui. Ce qui l’a amenée à opérer des choix stratégiques en ressuscitant une de ses vieilles offres de service : le transport interurbain. Il y a des années de cela, la société excellait déjà dans ce segment et les choses marchaient à merveille. Celui-ci a d’ailleurs le mérite de positionner les deux sociétés publiques de transport sur des segments différents, ce qui permet à chacune d’évoluer dans son couloir.
Malheureusement, cette innovation en matière d’offre de service de la Sogatra doit à nouveau se confronter à la concurrence de Trans’Urb qui vient, contre toute attente, d’annoncer son positionnement dans le segment du transport interurbain. À presque le même prix, les deux sociétés publiques desserviront les villes de l’intérieur du pays, à savoir Lambaréné et Mouila, pour ne citer que celles-là.
Cette annonce, connaissant la qualité de l’offre de Trans’Urb comparativement à celle de la Sogatra, va tuer cette société déjà essoufflée par de multiples difficultés. En effet, le ministère du Transport, en permettant que les deux sociétés s’affrontent sur le marché concurrentiel du transport interurbain, vient de sonner le glas de la Sogatra, dont les soucis ne permettent pas de rivaliser avec sa concurrente publique.
Cela pose des questions sur les intentions du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), dont le secteur est piloté par Dieudonné Loïc Ndinga Moudouma pour ces deux sociétés. Cette décision manque de lucidité, en plus de renforcer la descente aux enfers de la Sogatra. La stratégie aurait voulu qu’on affecte Trans’Urb au transport urbain et la Sogatra au transport interurbain pour positionner les deux sociétés, chacune dans son couloir. Mais c’est tout le contraire. À qui profitent ces décisions en manque d’emprunt stratégique ?
Michael Moukouangui Moukala