Estelle Ondo, député du 2e arrondissement de la commune d’Oyem au nord du Gabon, répond aux questions de la rédaction de mediapostegabon à propos du conflit qui oppose actuellement l’église et le gouvernement.
MPG : Bonjour Madame l’Honorable : On vous voit ces derniers temps très actif en faveur de la réouverture des lieux de culte et de prière. Qu’est-ce qui, selon vous, justifie cette prise de position ?
Estelle Ondo : Merci de cette opportunité que vous me donnez de pouvoir m’exprimer à travers votre média. Pour revenir à votre question, à savoir, qu’est-ce qui me rend active justement pour l’ouverture des églises et lieux de cultes ? Je dirais d’abord que c’est une question de droit.
Une question de droit fondamental. Le Gabon est une jeune démocratie, certes, mais le Gabon a fait le choix d’être un État de droit. Lorsque nous sommes dans cet État de droit, les gouvernants, les institutions ont obligation de respecter cet État de droit. De respecter nos lois fondamentales. La pratique religieuse est un droit fondamental que l’on ne peut pas priver un citoyen.
C’est vrai, nous traversons une crise sanitaire d’une rare violence. C’est vrai, le Gouvernement à l’obligation de prendre toutes les mesures qu’il faut pour justement combattre la propagation de la Covid-19. Mais c’est aussi vrai que chaque citoyen a droit à ses libertés.
Je l’avais déjà indiqué dès l’instant où nous étions rentrés dans un déconfinement et que toutes les activités humaines de notre pays ont repris, dans le respect des mesures barrières, je ne voyais pas pourquoi il faille maintenir les lieux de culte et les églises fermés. C’est d’abord pour le respect de cette liberté fondamentale garantit par notre constitution, que je me suis levée pour combattre cela, à l’instar des autres acteurs de la Société. Ce qui, aujourd’hui, est au cœur des débats et des revendications.
MPG : Pensez-vous que le Gouvernement œuvre dans une volonté de persécution de l’Église et la pratique du culte au profit d’autres croyances ?
Estelle Ondo : Personnellement, et de façon volontaire, je ne dirais pas que le Gouvernement persécute l’église.
Seulement, nous constatons pour le regretter, ce même Gouvernement a mis plusieurs mois, après les autres activités, de permettre la réouverture des églises.
Et, nous constatons que lorsqu’il permet la réouverture de ces églises, cela est assorti de plusieurs contraintes : présentation d’un test négatif de Covid-19, interdiction de sainte cène, payement de la dîme par monnaie électronique, etc. Toutes ses contraintes nous amènent finalement à penser qu’il y’a une forme de persécution contre l’église. Et, ça nous ne pouvons pas l’accepter.
C’est une mesure incohérente. Pourquoi pour accéder à l’église, il faut toutes ces contraintes ? Alors que lorsque l’on va au marché, dans nos lieux de travail, à la banque, dans les transports en commun… on ne demande pas de remplir toutes ses conditions. Il y’a là un traitement illégal des citoyens gabonais devant la loi.
MPG : Estimez-vous que les églises seront-elles prêtes à observer les mesures de distanciation physique et geste d’hygiène recommandé par le gouvernement ?
Estelle Ondo : Vous savez, l’église avait déjà anticipée sur ces mesures de distanciation physique et geste d’hygiène lorsqu’il s’est agit des autorisations spéciales d’ouverture des églises. Des réunions ont eu lieu avec le Gouvernement et les responsables du Copil, il y’a également eu des visites techniques pour préparer cette réouverture des églises.
Du retour que j’ai eu, beaucoup d’églises étaient aux normes pour accueillir les fidèles. Le Gouvernement doit encadrer et accompagner pour que la réouverture des églises se fassent dans de bonnes conditions pour tous les concitoyens.
MPG : En tant qu’élue du peuple, comment vivez-vous la situation de « tension » actuelle entre le Gouvernement et l’église ?
Estelle Ondo : Ma fonction de parlementaire m’impose d’écouter, de relayer et de défendre les aspirations profondes des populations. Sur la question générale du déconfinement, au regard des données épidémiologiques actuelles rendues publiques par le Copil, nous voyons bien que le virus ne circule plus énormément. Sur la question de la lutte contre la pauvreté, nous savons qu’avec toutes ses mesures barrières qui ont été nécessaires pour éviter la propagation du virus, il y’a eu malheureusement beaucoup de petits commerces qui ont été fermés. Il y’a eu toute cette pauvreté qui s’est greffée dans notre société.
C’est difficile au plan sanitaire entre le peuple et le Gouvernement qui n’a pas encore pris en compte toutes ses questions pour éviter cette pauvreté galopante que nous observons dans certaines couches de nos sociétés.
Il y avait donc deux enjeux : celui de la relation économique avec les populations gabonaises, et celui du vivre-ensemble avec la réouverture des églises. Pour moi, cette période de la Covid-19, est une période cruciale. On a pu voir comment fonctionnent nos institutions.
On a pu voir les actions du Gouvernement. On a pu voir l’impact que ces actions créent dans notre société. C’était l’occasion pour le Gouvernement de consolider l’État de droit, de consolider notre démocratie. Pour moi, c’était également l’occasion du Gouvernement d’être plus attentif aux aspirations des populations. J’exhorte nos dirigeants à faire beaucoup plus preuve de sagesse. Être beaucoup plus à l’écoute des problèmes que vivent au quotidien les populations pour l’apaisement du climat social dans notre pays. (…)
Vous savez, le Gouvernement doit prévoir. Gouverner c’est prévoir. Nous avons plusieurs fois attiré l’attention du Gouvernement sur la question des églises. Cette crise qui est là, lorsque nous voyons la position du clergé et celle du Gouvernement, nous voyons qu’un bras de fer s’est établi.
Peut-être certains veulent faire dans la récupération. Mais nous ne pouvons pas occulter la réalité du problème. Je pense que le Gouvernement doit faire preuve de sagesse pour éviter le clash. Parce que nous n’avons pas besoin de cela. Comme je le dis très souvent, nous n’avons pas un autre pays de rechange.
Chacun à son niveau doit tout faire pour éviter que le problème ne s’embrase. Éviter que les gens ne viennent jeter de l’huile dans le feu. J’en appelle à la sagesse de tous. Il n’y a que des Gabonais qui vont construire notre Nation !
Propos recueillis par Pierre BOUTAMBA