Vendredi 9 Avril 2021 dernier, des agents de la Direction Générale des Services Spéciaux (DGSS) de la Garde Républicaine (GR) ont fait irruption dans les locaux du Bureau d’Enquêtes des Incidents et Accidents d’Aviation (BEIAA). Emmenant Serge Olivier Nzikoue, le directeur intérimaire avec eux, pour un interrogatoire. Le point de cette intrusion avec le concerné.
Nous avons eu vent de la descente musclée de la DGSS dans les locaux du Bureau d’Enquêtes, vendredi dernier. Ils ont arraché votre véhicule de fonction et conduit dans leurs services. Pouvez-vous, s’il vous plaît, présenter succinctement les faits ?
Serge Olivier Nzikoue : Merci de me permettre de m’exprimer après cet épisode extrêmement difficile. D’abord, je tiens, pour que chacun comprenne mieux, à présenter l’administration dont j’ai la charge.
Le Bureau d’Enquêtes des Incidents et Accidents d’Aviation (BEIAA) naît depuis la signature de la convention de Chicago de 1962.
L’article 3 nous place sous la tutelle du ministre seulement, qui est notre chef hiérarchique. Considérant le statut diplomatique qui est en partie international, nous avons été surpris de cette intrusion, d’autant qu’elle a été faite sans mandat officiel du Commandant en chef de la Garde Républicaine ou du procureur de la République. Vous comprenez donc qu’il s’agit d’une violation d’une extrême gravité.
Notre administration est purement technique. Elle n’a aucune implication politique. Nous sommes des diplomates et jouissons conformément au décret 00235, d’un statut particulier. Moi, Serge Olivier Nzikoue, je suis Officier de police judiciaire à compétence spéciale. Je bénéficie d’un statut particulier.
L’officier de la DGSS qui s’est présenté dans nos locaux a prétendu qu’il avait été mandaté par ses chefs, et que tant que la DGSS est rattachée au président de la République, ils n’ont pas besoin d’un quelconque mandat pour agir. Ce qui est archi faux. Il n’existe aucune administration qui se défasse de ces règles et procédures extrêmement basiques.
Mieux, cet officier m’a forcé à laisser mon véhicule de service, en violation des missions assignées à la DGSS.
Je dois rappeler qu’après les derniers audits de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), en 2018, cette institution internationale avait exigé, dans l’ensemble des recommandations, de la dotation du matériel roulant aux enquêteurs techniques d’aviation. Ce à quoi s’était conformé l’ancien ministre Justin Ndoundangoye. Vous pourrez le constater sur le récépissé de déclaration de mise en circulation de mon véhicule de service depuis la Direction générale du Patrimoine.
Selon nos missions assignées par l’OACI, les enquêteurs ont besoin d’être mobiles.
Mais vous pouvez être certains, j’entreprendrai dès lundi une démarche légale auprès du procureur de la République, du ministre des Transports, de la Première ministre, cheffe du gouvernement, et du président de la République, chef de l’État.
Je dois aussi rappeler que je suis l’unique diplômé enquêteur technique d’aviation en service, détenteur d’une carte d’OPJ. Ma mobilité s’impose sur l’étendue du territoire, conformément au décret 00235.
Monsieur Nzikoue, qu’en est-il de votre audition à la Direction Générale des Recherches (DGR) ?
Serge Olivier Nzikoue : Tout d’abord, j’ai été surpris qu’il n’y ait aucune plainte de mon employeur. Je n’ai pas compris. Je crois que quelque soit la faute commise au sein de mon administration, mon chef hiérarchique, le ministre des Transports, aurait dû me demander des explications, ou fait un blâme. Mais je n’ai jamais rien reçu de tout ceci. Mon audition à la DGR a donc été un malentendu.
Quels sont les griefs qui vous étaient reprochés ?
Serge Olivier Nzikoue : L’un des griefs reposait sur mes actions, le fait que j’exerçais, pour assurer le maintien de l’administration après le départ officiel de monsieur Dieudonné Mfoubou Moudhouma, qui avait écrit en décembre 2019 au ministre de nommer quelqu’un d’autre. Ce qui n’a malheureusement jamais été le cas.
Je me suis retrouvé seul, dans la direction pour des besoins de continuité du service public, à jouer tous les rôles pour le maintien y compris pour des missions locales et internationales. J’ai toujours été mandaté comme représentant à l’international, par les plus hautes autorités, y compris par le chef de l’État. Ce qui fait de moi le directeur de fait du BEIAA, ayant rang et prérogatives de directeur intérimaire.
Monsieur Nzikoue, vous avez procédé dernièrement à des recrutements de jeunes gabonais qui travaillent depuis près d’un an au Bureau d’enquêtes, pourriez-vous nous éclairer à ce niveau ?
Serge Olivier Nzikoue :Le recrutement de ces agents était une exigence de l’OACI, appuyé par la fiche technique du 1er juillet 2020, de l’inspecteur général des services adjoint, le Colonel Allyanoh Mouenzi Mouenzi, qui, comme tous les hauts cadres du ministère des Transports, a fait recruter deux (2) de ses enfants.
Conformément aux dispositions de l’article 16 du décret cité supra, la prérogative de recrutement n’est réservée qu’au directeur du Bureau, appuyé par les services des ressources humaines, qui ont aussi des dossiers de jeunes recrutés.
J’ai établi des prises de service le 21 septembre 2020.
Il faut rappeler que l’établissement de ces documents étaient une exigence des écoles devant recevoir ces jeunes. Nous devions prouver que ces agents nouvellement recrutés appartenaient bien au Bureau.
Mieux, en mission officielle en Ethiopie, en marge du sommet de l’Aviation, où j’accompagnais le ministre des Transports, Léon Bounda Balonzi, avait lui-même négocié un partenariat de formation avec Ethiopian Airlines et la relance d’une compagnie aérienne.
J’ai signé avec le directeur de l’académie d’Ethiopian Airlines un partenariat pour la formation de ces jeunes. Un dossier défendu par le ministre sortant à l’Assemblée nationale. Et nous avons pu obtenir pour cette année une unité opérationnelle, dédiée au fonctionnement et à la formation.
Pensez-vous que ces jeunes compatriotes au vu de tous les troubles dont fait face le Bureau d’Enquêtes, puissent être mis à la porte ?
Serge Olivier Nzikoue : Au vu de ce qui précède, il est important de rappeler que l’implication de l’État gabonais est totale.
L’inspecteur général des services adjoint, qui avait fait une fiche au ministre et supervisait l’opération de recrutement, dossier également défendu par le ministre à l’Assemblée nationale, les listes d’émargement de ces jeunes, qui sont tout le temps présent à leur poste, et bien d’autres faits encore sont autant d’éléments que l’État gabonais ne saurait ignorer. Il ne saurait faire machine arrière, au regard du contentieux qui pourrait lui coûter cher.
Nous avons déjà saisi la Première ministre, pour lui dire que le 18 janvier 1962, le Gabon avait ratifié la Convention de Chicago. Que nonobstant les gels décidés par le gouvernement dans la Fonction publique, les décisions à l’international sont supérieures à celles prises au niveau local.
Si ces jeunes portaient plainte, l’État gabonais serait contraint à les régulariser.
L’actuel ministre des Transports a donc obligation d’assumer le passif, si passif il y a de l’ancien ministre.
Au vu des faits, il est évident que le Bureau d’enquête n’ait pas l’approbation totale de la hiérarchie. Monsieur Nzikoue, comment expliquez-vous ces divergences ?
Serge Olivier Nzikoue : Monsieur le journaliste, mon objectif est de traduire en actes concrets la volonté du chef de l’État, son Excellence Ali Bongo Ondimba qui avait été clair : le Gabon ne doit plus jamais être blacklisté.
Ce que beaucoup ignorent, c’est que lorsque les instances internationales blackliste un pays, il est difficile d’en sortir.
Beaucoup se sont certainement rendus compte que le Bureau d’enquêtes est une organisation à fort potentiel, d’où les coups bas et les peaux de banane.
Mais vous pouvez être sûr seul l’intérêt supérieur de la nation primera.
Source 9infos