Au Gabon, le bruit n’est plus seulement une nuisance sociale : c’est une pollution à part entière, désormais encadrée par le Code pénal. L’article 453 érige le tapage sonore en infraction passible de trois mois d’emprisonnement et d’une amende pouvant atteindre un million de francs CFA. Un cadre répressif qui traduit la prise de conscience d’un fléau urbain aux répercussions profondes, tant sur la santé que sur l’environnement sonore.
Dans les artères de Libreville, l’agitation quotidienne s’impose comme une bande-son permanente : moteurs trafiqués, générateurs rugissants, bars survoltés, prières amplifiées. Un vacarme collectif devenu symbole d’un désordre urbain que la loi cherche désormais à contenir. Car au-delà du simple inconfort, les nuisances sonores participent à la dégradation de la qualité de vie et contribuent à une pollution invisible, celle du son.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’exposition prolongée à des niveaux sonores élevés augmente le risque de troubles du sommeil, d’hypertension, de stress chronique et même de maladies cardiovasculaires. Or, ces impacts demeurent largement sous-estimés en Afrique centrale, où les politiques environnementales se concentrent davantage sur les déchets ou la qualité de l’air que sur la dimension acoustique du cadre de vie.
Selon les dispositions de l’article 453 du Code pénal: « Quiconque, dans un lieu public ou privé, directement ou par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont il avait la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité, est à l’origine d’un bruit autre que ceux relevant d’une activité particulière autorisée ou d’une unité de production ou d’exploitation industrielle, commerciale ou artisanale, de nature, par sa durée, sa répétition, ou son intensité, à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, est puni d’un emprisonnement de trois mois au plus et d’une amende de 1.000.000 de francs au plus »
Cette approche pénale du Gabon, bien qu’ambitieuse, soulève une question essentielle : comment faire respecter cette norme dans un contexte où le vacarme est culturellement toléré et parfois associé à la vitalité sociale ? Pour les autorités, la réponse passe par la responsabilisation des exploitants de débits de boissons, la régulation des prières amplifiées et le contrôle technique des générateurs. Mais la véritable solution, affirment les urbanistes, repose sur la planification sonore des villes, encore inexistante à Libreville, Port-Gentil ou Franceville.
En criminalisant les nuisances sonores, le législateur gabonais inscrit le bruit dans la sphère environnementale, au même titre que la pollution de l’air ou de l’eau. Le silence devient ainsi un bien commun, un indicateur de santé publique et un marqueur du respect collectif. Une révolution culturelle, autant qu’écologique.
Spinoza




