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vendredi, 29 mars 2024

Gabon : comment la certification forestière modélise la gestion durable des forêts ?

Alors que le Gabon a annoncé dès 2018, sa volonté de certifier l’ensemble de ses concessions forestières sur le moyen terme (2025), ce processus volontaire tend à répondre à des objectifs économiques, sociaux et environnementaux spécifiques dans le pays. Constat et analyse.

« La gestion durable et l’aménagement responsable de nos forêts permettent de conserver sa plus grande richesse, soit sa biodiversité ». Ce fragment de phrase prononcé il y a quelques années par un enseignant canadien spécialisé en aménagement de la forêt est, en quelque sorte, le bénéfice résumé d’un processus de certification forestière.

Mais doit-on se contenter de cette phrase sans la faire exploser et en scinder le sens réel de ce que procure réellement la certification forestière et comment celle-ci peut répondre à des objectifs spécifiques ? Si de prime abord, il paraît aujourd’hui presqu’impossible de penser la lutte contre les changements climatiques sans une gestion optimale des forêts, la certification se présente comme une réponse infaillible à cette convenance.

Elle est, pour emprunter quelques mots au Docteur Rose Ondo, Enseignant-Chercheur à l’Université Omar Bongo (UOB) et Expert en Gestion durable des forêts et certification forestière, « un mécanisme volontaire qui est mise à la disposition des entreprises forestières et des industriels de bois pour aller vers la gestion durable des forêts ». D’après le Docteur, la certification concourt à la gestion durable des forêts qui elle prend en compte les fonctions environnementales, sociales et économiques de la forêt. 

Ainsi présenté, « gérer durablement une forêt, c’est faire en sorte que cette forêt soit bénéfique pour les populations et les travailleurs forestiers. Faire en sorte que cette forêt préserve l’environnement dans une concession (…) et qu’elle soit économiquement viable. » Au Gabon, alors que le processus de certification est en gestation, quelques entreprises ont compris l’enjeu de s’arrimer. Parmi lesquelles Rougier, un exploitant forestier historique.

 Rougier, un cas d’école

Installé au Gabon depuis 1952, Rougier exploite près de 895 000 ha de forêt pour une production de l’ordre de 300 000 m3 de grumes/an et emploie environ 1000 personnes. Les concessions forestières de Rougier font partie de plus de deux millions d’hectares de forêts certifiées au Gabon sur un total de près de 15 millions d’hectares de concessions forestières. En termes de certification, l’exploitant figure parmi les « bon-élèves » au Gabon. L’entreprise est engagée dans ce processus depuis 2004 avec la certification ISO 14001 de son système de “management environnemental”. La certification a permis à Rougier de remodeler son système de gestion de ses exploitations forestières, dont ses bases vie, ses sites industriels, la faune et son rapport aux populations environnantes.

Ce remodelage a été important pour Rougier, en ce sens qu’il a permis de conforter les parts de marchés de l’exploitant forestier dans les pays particulièrement sensibles aux problématiques environnementales. A l’exemple des USA et Europe avec l’arrivée de FLEGT. L’un n’allant pas sans l’autre, cette transition vers la résilience des modèles de gestion des concessions et des sites forestiers a aussi permis de garantir aux employés, les droits sociaux requis. En effet, explique Rougier Gabon, la certification a permis de mener des actions aussi bien en direction des salariés et de leurs familles qu’en direction des populations vivant au sein des concessions forestières exploitées.

Ce qui a aussi permis de renforcer l’ancrage des thématiques de la sécurité, de l’hygiène, de l’habitat, de l’éducation, de l’alimentation et de la santé. Journaliste environnemental spécialisé sur les crimes environnementaux et directeur de la Radio Communautaire Ivindo-FM, Benjamin Evine-Binet voit en ces actions, la garantie sociale absolue qu’un processus de certification peut procurer. Pour lui, la certification est, in fine, un facteur de viabilité économique et sociale garantie par les bonnes pratiques des exploitants forestiers.

 La certification, un facteur de durabilité écologique

Alors que le Gabon vient de déposer il y a quelques mois, sa seconde Contribution déterminée nationale (CDN) à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC), le pays envisage de maîtriser en 2030, 30.381 GgCO2eq en stock de carbone forestier. Cette projection ne pourra être atteinte sans la responsabilité des entreprises forestières. Cette responsabilité ne va cependant pas se décréter de manière unilatérale par les entreprises, car il faut en plus, les convaincre du bien-fondé de cette résilience. La certification se positionne pour ainsi dire comme une réponse à ces attentes.

Sa contribution pour la résilience de l’exploitation durable des forêts et la viabilité de ces dernières n’est plus à démontrer. En témoigne, la part belle consacrée à l’Aménagement par le Code forestier Gabonais. Or, l’aménagement fait partie du processus de gestion rationnelle et durable des forêts. Donc du processus de certification que les organismes tels que le Forest Stewardship Council (FSC), en partenariat avec le ministère des Eaux et Forêts, promeut au niveau national.

Comme des organismes similaires, la certification FSC promeut les bonnes pratiques en matière de gestion durable des forêts. Au nombre de dix, les principes de gestion de cette association internationale concourent, lorsqu’ils sont respectés, à répondre aux engagements nationaux en matière de lutte contre les changements climatiques.

« Sur le plan écologique qui fait la jonction avec l’aspect économique, c’est la gestion durable de nos écosystèmes forestiers. Nous avons les plans d’aménagement, les plans de gestion, les études d’impacts environnementales et sociales (EIES). Tous ces outils concourent à la pérennité de la ressource, l’utilisation durable de cette ressource et à l’atteinte de l’objectif qui voudrait que les forêts soient gérées de façon responsable. Le gaspillage de la ressource est proscrit », a conclu Emmanuel Bayani Ngoyi, chargé d’études aux ministères des Eaux et forêts, par ailleurs président de l’élaboration de la norme nationale FSC.

Mais il faut le reconnaître, malgré les bonnes intentions de la certification au Gabon et la volonté des autorités d’implémenter à tout prix ce processus dans les enjeux de lutte contre la gestion durable des forêts et partant, des changements climatiques, ce mécanisme fait face encore à plusieurs défis. Notamment la réticence des entreprises locales à s’aligner à la certification et la méconnaissance par le grand public, de son bien-fondé.

Note du Rédacteur : dans le cadre de la rédaction de cet article, ont été sollicités, le ministère des Eaux et Forêts, l’ONG Brainforest, l’exploitant Precious Wood mais en vain.

Michaël Moukouangui Moukala

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